Mmmmmm... Par où commencer ce qui a démarré il y a plus de 17 ans? Par le début peut-être. Je suis né en 1982, en plein milieu de la récession des années '80. Vers l'âge de 2 ans, mes parents se sont séparé et ma petite soeur est arrivée. Déjà à cette époque on soupçonnait que j'avais quelque chose de "pas normal". Le diagnostic de surdité n'a été posé qu'à l'âge de 3 ans. Puis commença l'infernal ballet des rendez-vous chez les spécialistes. Audioprothésiste, audiologiste, oto-rhino-laryngologiste et j'en passe. C'est à ce moment-là qu'on m'a enlevé la propriété de mes oreilles et par le fait même, mon corps. Bien sûr je n'en veux pas à ma mère, elle a fait ce qu'elle pensait ce qui était le mieux pour moi. Le résultat de tout cela fut qu'on m'a appareillé. Et le son fut. J'appris à parler, ce qui fît de moi un sourd oraliste.
At A Glance Author Deaf RaGe Contact [email protected] When N/A Location Montreal, Qc, Canada Puis, l'école vint. Au primaire, j'étais toujours isolé des autres et cela a continué au secondaire. En secondaire 3 ( vers 15 ans environ ) je me fis percer la lèvre avec un simple anneau. À l'époque j'étais dans une grosse polyvalente de 3000 élèves où j'étais le seul sourd. Et le body piercing commençait à peine à se populariser. Cette expérience changea ma vie. J'avais pu, via le piercing, reprendre possession de mon corps et de mon âme. Non seulement j'avais repris la possession de mon corps, mais également j'affirmais mon individualisme. Il ne faut pas se le cacher, se faire percer ou tatouer est un acte purement égoïste. En même temps cela marquait mon renouveau après une année assez désastreuse.
Bien sûr je n'arrêtais pas là. J'enleva mon anneau, puis j'eus un labret que j'ai toujours. En même temps mes projets de tatouage commençaient à se former. Je savais déjà que je voulais me faire tatouer, mais quoi exactement? Je ne savais pas. Je voyais le tatouage comme un affranchissement ultime. Je voyais le caractère permanent du tatouage comme un rappel constant de qui je suis. Comme une promesse que je ne serais pas que mes oreilles. Que je serais plus que ma surdité. Que je dépasserai les limites de ma surdité. Que je pourrais faire ce que je veux de ma vie, de mon corps, de mon âme. Que la surdité ne serait pas une limite mais un appel au dépassement de moi-même. Puis, je me fis tatouer, à 19 ans, le mot "soldat" en Kanji dans le milieu de mon dos. J'ai le projet de faire rajouter : "de ma destinée". Je suis le seul gardien et défenseur de ma destinée et ma surdité ne sera pas un frein à mes rêves, à mes désirs, à ma vie. Puis, plus tard, je ferais une pièce qui couv rira entièrement mon dos. On y verra un guerrier Samouraï brandir un sabre.
Souvent les gens croient que j'agis qu'en fonction de ma surdité. Que je ne suis définit que par ma surdité. Il n'est rien de plus faux. Je ne suis guidé que par mon âme et mon cœur. Parallèlement à tout cela, j'ai commencé à stretcher un de mes lobes, percer dans un centre commercial à 13 ans. C'était la re-possession ultime de mes oreilles. J'allais décider, moi et moi seul, de ce que j'allais faire de mes oreilles. Il est maintenant à 8ga, mais je vais le faire scalpeller à 00 et mon autre lobe aussi. Puis, je vais tranquillement les agrandir. Jusqu'à combien? Je ne saurais le dire, mais le fait de les stretcher me donne une perception différente de mes oreilles. Autant je trouvais que mes appareils enlaidissaient mes oreilles, autant je les trouve magnifique maintenant avec le lobe stretché et ils seront encore plus beaux une fois que le scalpelling sera complété. Également j'ai commencé une manche, une grande pièce asiatique incluant un dragon déployant ses griffes. Il représente mon attitude face à la vie, toujours foncer pour obtenir ce que je désire. Car, je suis conscient que ma surdité peut être un obstacle à l'obtention de ce que je veux. Mais mon dragon me rappellera toujours que je ne dois pas laisser cela m'arrêter.
La façon que je vois la relation entre ma surdité et mes modifications corporelles est celle d'une symbiose. Autant ma surdité se nourrit de l'encre et des trous, autant mes modifications se nourrissent de ma surdité. Je crois sincèrement que mes tatouages et piercing sont une façon saine de négocier avec ma surdité. Elles me permettent de mieux me connaître, de mieux connaître ma surdité. Également elles sont une présence constante de qui je suis, quels sont mes buts, quel est mon attitude face à la vie. Elles me rappelleront toujours tout cela. Car, le but de la vie est de VIVRE. Tout simplement. Alors... VIVEZ!